DECOUVREZ CE QUE VOUS NE SAVEZ PAS(1)
En France, environ 15 millions de personnes sont atteintes de maladies chroniques évolutives (MCE), soit près de 20 % de la population ; ce qui représente 12 à 15 % de la population active.
La question de leur maintien durable en emploi est extrêmement importante dans le contexte actuel d’évolution du travail et de l’emploi. En effet, l’efficacité croissante des traitements et le vieillissement des travailleurs, dû à l’allongement des carrières, engendrent une croissance du nombre de travailleur atteint de maladies chroniques évolutives.
Si une grande majorité des personnes atteintes de maladies chroniques peut prétendre à la reconnaissance de qualité de travailleur handicapé, peu d’entre elles en font la démarche. Une méconnaissance des acteurs compétents en matière de maintien ou retour au travail peut également être constatée, alors que leur risque de désinsertion professionnelle est particulièrement présent.
Ces travailleurs malades sont souvent invisibles pour l’employeur et les collègues, alors que les impacts de la maladie sur leurs activités professionnelles sont importants.
S’il est fondamental pour un travailleur, atteint d’une maladie chronique, de conserver son activité professionnelle le plus longtemps possible, il est tout aussi fondamental que cela se passe dans les meilleures conditions possibles. En effet, le maintien dans le travail est essentiel, tant que l’état de santé le permet, car il évite un isolement social, voire la précarisation de la personne malade. Il permet également de conserver une certaine « normalité de vie ». Le travail a donc un rôle primordial dans la vie quotidienne des personnes atteintes de maladies chroniques.
Idéalement, l’environnement professionnel du travailleur doit être informé des conséquences de la maladie pour mieux comprendre la situation et pour revoir l’organisation du travail. Ceci afin d’adapter le poste de travail de la personne malade si nécessaire.
Selon le Ministère des Solidarités et de la Santé(2), la maladie chronique se définit, comme « une maladie de longue durée, évolutive, avec un retentissement sur la vie quotidienne. Elle peut générer des incapacités, voire des complications graves. »
63 700 nouvelles inscriptions à Pôle emploi / an résultent d’une déclaration d’inaptitude physique par le médecin du travail. Ces salariés « inaptes » sont surreprésentés parmi les chômeurs de longue durée.
Le 3e Plan Santé au Travail s’est saisie de cette problématique, en cohérence avec les orientations des partenaires sociaux et dans la suite des travaux entrepris dans le cadre de la convention multipartite pour l’emploi des travailleurs handicapés et du Plan cancer 2014-2019. Il poursuit l’objectif de renforcer la cohérence de l’accompagnement institutionnel des travailleurs et des entreprises, dans le cadre des actions de prévention de la désinsertion.
Ce plan propose une approche large destinée à tout public et acteur, dans une perspective de maintien dans l’emploi. Il promeut les aménagements, les reclassements internes ou externes et prévoit que l’action sur le maintien en emploi doit être menée dans le cadre d’une approche globale. Ceci en intégrant tous les types de fragilités des travailleurs : handicap, état de santé altéré, dégradation progressive de la santé liée aux conditions de travail.
Améliorer la qualité de vie des malades chroniques, c’est aussi leur permettre d’accéder à un emploi ou de s’y maintenir, de participer à une vie sociale et de vivre le quotidien avec plus de facilité.
Cette approche transversale se retrouve dans la définition du handicap, issue de la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances : « Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant »(3).
En conclusion, dans la majorité des situations, la maladie chronique engendre de lourdes conséquences sur la qualité de la vie professionnelle du travailleur atteint d’une maladie chronique évolutive. Il peut être difficile de continuer à travailler sans aménagements, voire la MCE peut imposer l’arrêt de l’activité professionnelle.
(1) http://www.maladie-chronique-travail.eu/projet-national-maladies-chroniques, consulté le 4 septembre 2018.
(2) Vivre avec une maladie chronique – Ministère des Solidarités et de la Santé https://solidarites-sante.gouv.fr/
(3) Code de l’action sociale et des familles Articles L114 issu de la Loi n°2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
Afin de faciliter l’insertion professionnelle ou le maintien de l’emploi d’une personne en situation de handicap, il est possible d’effectuer une demande de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé auprès de la Maison Départementale des Personnes Handicapées. Cette reconnaissance permet notamment l’éventuelle mise en place d’aménagements du poste de travail, d’une priorité d’accès à diverses mesures d’aides à l’emploi, et de formations qui ont pour objectif un maintien ou un retour dans l’emploi.
Cette reconnaissance est ouverte à toute personne qui justifie d’un handicap, quel que soit son statut : salarié, fonctionnaire ou travailleur non salarié. Est considérée comme travailleur handicapé « toute personne dont les possibilités d’obtenir ou de conserver un emploi sont effectivement réduites par suite de l’altération d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales ou psychiques »(4)
En pratique, cette démarche est inutile si la personne est titulaire de l’AAH, d’une rente accident du travail ou d’une pension d’invalidité.
En France, 12 millions de français environ sont touchés par un handicap, dont 2,7 millions sont en âge de travailler (de 15 à 64 ans) et déclarent être bénéficiaires de la reconnaissance administrative d’un handicap ou d’une perte d’autonomie(5).
(4) Code du travail, Article L5213-1
(5) Enquête emploi 2015 ; INSEE, traitement DARES – Les chiffres clés de l’aide à l’autonomie 2018, CNSA.
Pendant un arrêt de travail pour maladie, sous réserve de remplir les conditions administratives prévues par son statut, le malade perçoit des revenus de remplacement qui lui permettent de continuer à vivre plus ou moins confortablement.
Par ailleurs, pour percevoir ces revenus de remplacement, le travailleur, qu’il soit salarié, fonctionnaire ou travailleur non salarié, doit remplir les conditions administratives exigées et son état de santé doit justifier leur versement.
Les revenus pendant l’arrêt de travail dans le secteur privé peuvent être les indemnités journalières de la sécurité sociale, le maintien de salaire ou encore la prévoyance.
Les revenus pendant l’arrêt de travail dans la fonction publique diffèrent selon le statut de fonctionnaire ou d’agent contractuel.
Les revenus pendant l’arrêt de travail pour les travailleurs non-salariés correspondent, quant à eux, à la prévoyance individuelle et, dans certains cas, aux indemnités journalières.
Lorsque le travailleur ne bénéficie pas d’un maintien de sa rémunération, ou d’un complément par une prévoyance, l’entrée dans la maladie est parfois associée à un risque de précarité.
Le médecin traitant du salarié, du fonctionnaire ou du travailleur non-salarié, a la possibilité de prescrire une reprise du travail à temps partiel thérapeutique par le biais d’un arrêt de travail, s’il estime que cette reprise à temps partiel est favorable à l’amélioration de l’état de santé du travailleur. Le temps partiel thérapeutique permet de reprendre progressivement le travail, avec des aménagements éventuels du poste de travail et/ou des missions, tout en assurant une certaine stabilité de revenus. Il doit être accepté par le médecin conseil de la sécurité sociale et par l’employeur si le travailleur est salarié ou fonctionnaire.
Si la santé du travailleur ne lui permet plus d’effectuer son travail, ou réduit sa capacité de travail ou de gain, il peut percevoir, selon sa situation, une pension d’invalidité dans le secteur privé, une retraite anticipée pour invalidité ou une allocation d’invalidité temporaire dans la fonction publique.
Les travailleurs non-salariés peuvent également bénéficier d’une pension d’invalidité, dont les conditions d’attribution peuvent être différentes selon qu’ils dépendent de la sécurité sociale des indépendants ou d’un régime spécial.
Les montants attribués en raison de l’invalidité ont pour objectif de compenser, en partie, la perte de salaire qui découle de la diminution de la capacité de travail ou de gain. Ils peuvent être complétés, le cas échéant, par une prévoyance.
Dès lors qu’une reprise du travail est possible, plusieurs dispositifs permettent une reprise progressive et favorisent un maintien dans l’emploi de la personne touchée par la maladie chronique.
La procédure de reprise du travail dans le secteur privé se déroule en deux temps. Dans un premier temps, une visite de pré-reprise peut être demandée à l’initiative du travailleur, du médecin traitant ou du médecin conseil des organismes de sécurité sociale. L’employeur ne sera informé de cette visite de pré-reprise qu’avec l’accord du salarié. Ce dernier pourra informer son employeur des préconisations éventuelles du médecin du travail afin d’anticiper la reprise et éviter l’urgence.
La visite de pré-reprise ne remplace pas la visite de reprise. Cette dernière est organisée par l’employeur dès qu’il a connaissance de la date de la fin de l’arrêt de travail du salarié. Cette visite a pour but de vérifier si le poste de travail que doit reprendre le travailleur est compatible avec son état de santé. Elle permet aussi de réexaminer la pertinence des propositions d’aménagement, d’adaptation du poste ou de reclassement faites au cours de la visite de pré-reprise, au regard de l’évolution de l’état de santé du salarié.
La procédure de reprise du travail dans la fonction publique débute par un examen par un médecin agrée par l’administration, suivi d’un avis rendu par le comité médical. Cette procédure peut déboucher sur des aménagements ou un reclassement.
S’agissant de la procédure de reprise du travail des travailleurs non-salariés après un arrêt maladie, il est nécessaire d’en informer le service médical de l’agence de Sécurité sociale pour les indépendants dont ils dépendent. Il n’existe pas de procédure semblable à celle du secteur privé ou de la fonction publique. Néanmoins, ils peuvent bénéficier d’un accompagnement personnalisé pour gérer leur capital santé et d’une invitation à une consultation sur les risques professionnels à l’intermédiaire du service « Carnet de santé » qui leur propose un dossier personnel de prévention.
Dans le secteur privé, le médecin du travail peut recommander des aménagements du poste de travail, tels que des aménagements matériels, des autorisations d’absence ou une reprise en télétravail, ou préconiser le reclassement du salarié. Cette recommandation peut être émise au cours de la visite de pré-reprise, de reprise ou lors de toute autre visite réglementaire ou volontaire.
Dans le secteur public, le médecin se prononce sur les aménagements du poste de travail à l’issue de l’examen de reprise, en cas d’avis favorable du comité. Ces aménagements peuvent être matériels, prévoir des autorisations d’absence, une modification du lieu d’exercice ou une reprise par télétravail.
Cependant, si aucun aménagement n’est possible, le reclassement du fonctionnaire peut être demandé. Différents types de reclassement peuvent être proposés : un reclassement par détachement dans un corps de niveau équivalent ou un reclassement par concours ou par examen professionnel.
Le travailleur non salarié (TNS) qui dépend de la sécurité sociale des indépendants peut bénéficier de l’accompagnement d’un référent de la Sécurité sociale pour les indépendants pour construire un projet professionnel d’adaptation ou de reconversion (formation, aménagement de poste, réorganisation de l’entreprise, etc.). Ce référent l’accompagne pendant sa transition professionnelle et prend en considération l’entreprise et/ou la présence du conjoint collaborateur.
Enfin, un dossier de reconnaissance de la lourdeur du handicap peut être introduit auprès de l’AGEFIP par un employeur relevant du secteur privé pour un de ses salariés, ou par un travailleur non-salarié (pour lui-même), afin d’obtenir des aides financières pour compenser l’efficience réduite d’une personne handicapée à son poste de travail.
Toute personne atteinte d’un handicap peut rencontrer des difficultés à concilier ce dernier avec la vie professionnelle, d’autant plus après un arrêt maladie. Le licenciement d’un salarié, d’un fonctionnaire ou d’un agent contractuel déclaré inapte, est possible, sous certaines conditions. Chaque acteur veille à ce que le principe de non-discrimination soit respecté. En effet, tout licenciement intervenu en raison de l’état de santé d’un salarié est nul, c’est-à-dire que le licenciement est considéré comme n’ayant jamais été prononcé et le contrat de travail est poursuivi.
Le licenciement pour inaptitude dans le secteur privé peut être prononcé dès lors que le médecin du service de santé au travail déclare le salarié inapte. Soit que le maintien à son poste de travail est de nature à porter atteinte à sa santé et qu’aucun reclassement n’est possible.
Le licenciement pour inaptitude dans la fonction publique peut être prononcé dès lors que le fonctionnaire ou l’agent contractuel est reconnu définitivement inapte à son poste. Il est à noter que la procédure de licenciement varie selon que la personne est fonctionnaire ou agent contractuel.
Une maladie chronique peut générer une situation handicapante et sa reconnaissance peut permettre de bénéficier d’un départ à la retraite pour inaptitude dans le secteur privé et à la retraite anticipée pour invalidité dans la fonction publique. Si le fonctionnaire ne peut ni reprendre ses fonctions ni être mis à la retraite pour invalidité, il peut demander l’allocation d’invalidité temporaire (AIT).
Dans certains cas, elle permet de solliciter une retraite anticipée liée au handicap, c’est-à-dire avant l’âge minimum de départ à la retraite. Ce dispositif existe dans l’ensemble des régimes de retraite : dans le secteur privé, dans la fonction publique et pour les travailleurs non-salariés affiliés à la sécurité sociale des indépendants. L’obtention de cette retraite est conditionnée à un taux de handicap de 50% et à une certaine durée d’assurance.